Le coran est-il vraiment applicable "en tout temps et en tout lieu?"
Le Magazine Tel Quel a publié en 2008 un dossier polémique sur le Coran, avec la question: Le coran est-il vraiment applicable "en tout temps et en tout lieu?"
Texte de Abdellah Tourabi
Mohamed Moâtassim, conseiller du roi, transmet aux membres du Conseil consultatif des droits de l’homme une décision du souverain : le Maroc lève ses réserves relatives à la Convention internationale sur l’élimination des discriminations à l’égard des femmes. Des réserves émises par le Maroc, et d’autres pays musulmans, pour des considérations religieuses. Pour le camp moderniste, cette décision s’inscrit dans un long processus de réformes initiées par le roi et dont le nouveau Code de la famille était l’annonciateur. Dans le camp conservateur, la décision royale est plutôt perçue comme une erreur, une provocation, dans tous les cas une maladresse à “corriger”. Polémique. Pour désamorcer la crise, le Conseil supérieur des Ulémas intervient et donne sa réponse.
Selon les vénérables membres du Conseil, la levée des réserves sur ce texte international par le Maroc ne doit pas prêter à confusion, car les choses sont claires : les dispositions contenues dans le Coran, exemple des textes relatifs à l’héritage, sont intouchables et ne sont susceptibles d’aucune interprétation. La messe est dite. L’argument est un classique du genre : pas d’ijtihad (effort interprétatif) en présence d’un texte coranique. Cette phrase n’est qu’un slogan qui, à force d’être répété, enseigné dans les manuels scolaires, ressassé dans les prêches, scandé dans les débats, finit par acquérir un caractère sacré et devient, à son tour, une vérité et une règle inviolable.
Parce que, explique-t-on, le texte coranique traverse le temps, les spécificités culturelles, les changements sociaux, les contextes politiques, sans que son sens et son application ne puissent faire l’objet d’aucune acclimatation ou adaptation possible. Ainsi donc, et toujours d’après cette logique, les dispositions coraniques sont valables en tout temps et en tout lieu. Elles ne sont pas le résultat d’un contexte social et culturel particulier et leur portée est universelle et intemporelle. Quelques exemples puisés dans l’histoire de l’islam permettent, cependant, de contrebalancer, voire d’invalider, cette “vérité”. [full text]