Renaud Barbaras: Subjectivité et intériorité

Barbaras, Renaud. Subjectivité et intériorité. Rue Descartes n° 43 2004/1

La détermination de la subjectivité par l’intériorité est reçue comme une évidence par la philosophie au moins depuis Descartes : la ligne de partage entre le subjectif et l’objectif correspond à la différence entre ce qui n’est accessible qu’à soi-même et ce qui se donne à tous, entre l’immanent et le transcendant. En outre, c’est en tant qu’elle est intériorité que la subjectivité peut accomplir la fonction qui la qualifie comme telle, celle de faire apparaître l’étant transcendant, de constituer l’élément ou le milieu au sein duquel quelque chose peut se manifester, au sein duquel il peut y avoir quelque chose. Comme l’écrit Merleau-Ponty, tentant de ressaisir la vérité du cogito, « toute pensée de quelque chose est en même temps conscience de soi, faute de quoi elle ne pourrait pas avoir d’objet. À la racine de toutes nos expériences et de toutes nos réflexions, nous trouvons donc un être qui se reconnaît lui-même immédiatement, parce qu’il est son propre savoir de soi et de toutes choses, et qui connaît sa propre existence non pas par constatation et comme un fait donné, ou par inférence à partir d’une idée de lui-même, mais par un contact direct avec elle. [...] Il faut que l’acte par lequel j’ai conscience de quelque chose soit appréhendé lui-même dans l’instant où il s’accomplit, sans quoi il se briserait » [1]. Ainsi, ce qui distingue la conscience d’un mouvement ou d’un contact réels, c’est que, loin de s’épuiser dans la coïncidence avec la chose, elle se rapporte à elle-même et esquisse ainsi une intériorité. Cependant, si la référence du champ phénoménal à ce que l’on peut appeler une subjectivité est peu contestable, la détermination de la subjectivité comme intériorité nous donne-t-elle les moyens d’en penser la radicale spécificité? Permet-elle de rendre compte de la singularité de son mode d’être vis-à-vis de celui de la chose et, partant, de son aptitude à faire paraître ce qui lui est transcendant? Penser la subjectivité comme intériorité, est-ce bien en rejoindre l’essence ou la soumettre au contraire à un régime d’être qui n’est pas le sien? D’autre part, s’il s’avérait que la subjectivité ne peut plus être comprise comme intériorité, il resterait néanmoins à lui donner un sens en tant qu’elle est « soi » et enveloppe donc toujours quelque chose comme un rapport à soi.

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